Option libre. Du bon usage des licences libres
I Le cadre légal associé aux créations de l’esprit
Chapitre
1
Le bénéfice d’une propriété littéraire et artistique


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Les enjeux devenant de plus en plus économiques – les études récentes attribuent à l’industrie du seul droit d’auteur une part du PIB allant de 5 à 10 %, selon le pays et l’époque1 –, le droit d’auteur actuel n’est plus le droit d’auteur « de la grande loi de 1957 », mais un droit qui a intégré les changements de notre société en même temps qu’il a subi les effets des accords communautaires et internationaux.
Dans ce chapitre, nous étudierons successivement les droits exclusifs relatifs aux œuvres (1.1), aux créations auxiliaires (1.2), aux mesures techniques (1.3) et aux bases de données (1.4).

1.1 L’œuvre relevant du droit d’auteur

Jusqu’à la Renaissance, les auteurs n’étaient envisagés qu’en tant que maillons d’une chaîne de créateurs et ils s’accommodaient d’autant plus facilement de l’anonymat que la faiblesse des moyens de diffusion de leurs créations les attachait à un public très limité. L’invention de l’imprimerie modifia profondément la donne pour les écrivains2 : il devenait possible de se faire connaître et de diffuser auprès d’un public beaucoup plus large. Le métier d’imprimeur devint une industrie florissante qui dut très rapidement faire face au développement de la contrefaçon – nouveau marché motivé par les enjeux financiers du premier. Cette industrie mobilisa ainsi l’attention du pouvoir royal sur l’importance de la reconnaissance d’un monopole d’exploitation qui leur permettrait de se prémunir contre cette « concurrence déloyale » (elle supportait en effet seule certains coûts préalables à l’impression des ouvrages) : ce fut la consécration des privilèges consentis aux imprimeurs (libraires) pour compenser leurs investissements3. Dès lors, l’auteur n’était qu’indirectement bénéficiaire de cette protection, grâce à la rémunération qu’il tirait de l’édition de sa création, et n’avait pas de « prérogatives » en tant que telles4.
Parallèlement apparut le concept d’« art » et, avec lui, la distinction entre artiste et artisan5. Il a pris son essor au xviiie siècle, peu de temps avant l’apparition des premières lois consacrant un droit d’auteur. La première réforme en la matière est à l’origine du copyright anglais, le Statute of Anne (en 1710), rapidement suivi par d’autres initiatives similaires dans le monde entier6.
Dans cette lignée, mais par opposition au régime antérieur qui profitait essentiellement aux libraires, le législateur révolutionnaire français consacra un véritable droit de propriété « inviolable et sacré » au profit de l’auteur, comme l’énonce clairement le projet de loi Le Chapelier7 : « la plus sacrée, la plus légitime, la plus inattaquable (…) la plus personnelle de toutes les propriétés (…) l’ouvrage fruit de la pensée d’un écrivain ». Ce droit est néanmoins dès ses origines analysé comme un droit délimité : le droit de l’auteur de « disposer de l’ouvrage » étant défini comme une « exception, [car] un ouvrage publié est de sa nature une propriété publique8 ». Ainsi, c’est donc à la double consécration des droits de l’auteur et de ceux du public que procède la loi des 13-19 janvier 1791. L’idée du juste équilibre qui en découle est au cœur du nouveau système juridique mis en place9 : il s’agit de protéger le droit exclusif de l’auteur sur son œuvre tout en en limitant strictement la portée, ceci parce que « l’intérêt public exige aussi, au nom de la diffusion des œuvres, que le monopole ne soit pas éternel, et que l’œuvre puisse rentrer dans le domaine public. »10
L’existence d’une œuvre confère des prérogatives particulières à son auteur (1.1.2) dès lors qu’elle remplit effectivement les qualités requises par la loi (1.1.1).

1.1.1 La qualification d’œuvre

L’objet du droit d’auteur est l’œuvre, celle-ci étant entendue comme une création originale. Il suffit donc qu’une idée soit 1) exprimée et 2) originale (empreinte de la personnalité de son auteur) pour que cette forme soit protégée.

1.1.1.1 La création par l’expression

Les idées sont de libre parcours et peuvent être utilisées par tous. Cela ne concerne néanmoins que les idées : la façon dont celles-ci sont exprimées – leur expression – est personnelle, voire originale. Par conséquent, les droits d’auteur sont susceptible de naître dès la conception de l’œuvre, même inachevée, sans aucune formalité11 au fur et à mesure que l’œuvre est exprimée.
Ainsi, l’auteur ne s’approprie pas les idées – qui sont des biens collectifs –, mais il apporte sa propre contribution à la communauté en partageant son expression personnelle desdites idées. La divulgation de son œuvre – la divulgation représentant la volonté de rendre publique son œuvre, c’est elle qui donnera naissance aux prérogatives patrimoniales de l’auteur (à noter qu’avant divulgation de l’œuvre, celle-ci n’est pas encore « dans le commerce » et sa protection est assurée par le seul droit moral) dès lors que la création est aussi originale.
Un dépôt obligatoire?
Par principe, il n’est pas nécessaire de déposer son œuvre pour bénéficier du monopole que confère la loi.
En revanche, un tel dépôt facilitera la preuve de la création (et de son antériorité) si quelqu’un met en doute cette paternité. Cela d’autant plus que la preuve est libre : tout moyen pouvant être accueilli et apprécié par le juge. Il est par exemple tout à fait possible de s’envoyer un colis scellé en recommandé avec accusé de réception (le cachet de la poste attestant d’une date donnée) ou de s’adjoindre les services d’un tiers de confiance (de la qualité du tiers dépend celle du dépôt : il peut être utile d’utiliser le mécanisme des enveloppes Soleau auprès de l’Institut Nationale de la Propriété Industrielle (INPI) ou des dispositifs de dépôt comme l’Agence pour la Protection des Programmes (APP) dans le domaine informatique).
Enfin, de nombreux pays – dont la France – conditionnent à un dépôt légal préalable la publication de certains ouvrages, périodiques, etc. En France, ce dépôt légal concerne les écrits (livres et périodiques) et d’autres types d’œuvres (gravures, films, enregistrements sonores, émissions de radio et de télévision, logiciels, etc.).
À ce sujet, on peut se reporter à l’article détaillé de Wikipedia : « Dépôt légal en France ». Voir aussi Larivière (Jules), Principes directeurs pour l’élaboration d’une législation sur le dépôt légal, édition révisée, augmentée et mise à jour de l’étude publiée en 1981 par Lunn (Jean), Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, 2000.

1.1.1.2 L’originalité dans l’expression

L’originalité de la création, requise par la loi pour que cette dernière soit qualifiée d’œuvre, n’est néanmoins pas définie expressément. C’est donc aux juges qu’échut le rôle de caractériser l’originalité, ce qu’ils firent au travers de la notion d’empreinte de la personnalité de l’auteur. Une définition qui rejoint la pensée de grands auteurs : que l’on songe à Émile Zola qui disait qu’« une œuvre d’art est un coin de création vu à travers un tempérament »12, ou à Gustave Flaubert qui affirmait « Madame Bovary, c’est moi ! »
Évitant toute considération artistique ou politique, la qualification sera reconnue quel que soit le message porté par l’œuvre, la protection concernant « toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination »13. Avec l’arrivée du logiciel, le critère de l’originalité fut par ailleurs revu à la baisse par les juges qui fixèrent le critère à la marque d’un apport intellectuel de la part de l’auteur, c’est-à-dire « un effort personnalisé dépassant la logique automatique et contraignante »14.
Enfin, le titre de l’œuvre peut de même être protégé dès lors qu’il répond aussi à la condition d’originalité, notamment au regard de l’œuvre principale.

1.1.2 L’équilibre du droit d’auteur

La majorité des œuvres partagent des règles communes (1.1.2.1), néanmoins le droit d’auteur consacre quelques exceptions défavorables aux auteurs, notamment dans le domaine de la fonction publique ainsi que pour les logiciels (1.1.2.2).

1.1.2.1 L’équilibre du droit d’auteur « classique »

L’équilibre du droit d’auteur consacre le monopole de l’auteur (1.1.2.1.a), duquel sont soustraites les libertés de son public (1.1.2.1.b).
Le monopole de l’auteur
Celui qui revêt la qualité d’auteur bénéficie de diverses prérogatives ainsi que de certaines dispositions protectrices.
La qualité d’auteur(s)
Le droit d’auteur considère que l’auteur est l’individu-personne physique qui a créé l’œuvre : le code est très clair lorsqu’il pose comme principe que « [l]’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous »15. Il précise même que le statut de l’auteur (notamment salarié) est par principe sans conséquence16.
En cas de doute, le système privilégie l’auteur puisqu’une présomption de titularité bénéficie à la personne physique (ou morale17) qui divulgue l’œuvre18. Mais celle-ci n’est cependant opposable qu’aux tiers, non aux auteurs ou coauteurs qui revendiqueraient leur paternité.
Enfin, plusieurs auteurs peuvent travailler ensemble pour la réalisation de l’œuvre (œuvre collective ou de collaboration) et l’œuvre peut être issue d’autres œuvres (œuvre composite ou dérivée). Il n’est d’ailleurs pas rare que l’œuvre finale combine plusieurs de ces situations (la création pouvant être dérivée d’une œuvre collective, elle-même qualifiée d’œuvre composite, etc.).
On parle d’œuvre de collaboration lorsque plusieurs personnes ont travaillé ensemble à la conception d’une œuvre commune en faisant toutes preuve d’originalité (elles sont alors propriétaires indivises de l’œuvre) et d’œuvre collective lorsqu’elle est créée à l’initiative et sous la direction d’une personne physique ou morale, et dont les contributions sont fusionnées et empêchent ainsi l’attribution de droits distincts (seul celui qui dirige l’œuvre est titulaire des droits)19. Cette qualification, souverainement réalisée par le juge, est généralement recherchée par les entreprises puisqu’elle est la seule à leur conférer la qualité d’auteur.
Requérant toutes deux l’autorisation de l’auteur de l’œuvre originaire, l’œuvre composite et l’œuvre dérivée sont soumises à un régime juridique identique recouvrant des situations similaires : on parle d’œuvre composite lorsqu’il y a incorporation sans modification d’une œuvre originaire20 (on peut aussi traduire ce rapport en une dépendance vis-à-vis d’une œuvre originaire, sans emporter pour autant modification de celle-ci) ; on parle d’œuvre dérivée lorsque l’auteur second crée une nouvelle œuvre en s’appuyant sur la première21.
Les œuvres orphelines
La notion d’œuvres orphelines couvre les œuvres abandonnées, perdues ou délaissées par leurs auteurs : qu’ils ne puissent aujourd’hui plus être contactés ou qu’ils soient simplement inconnus. Elle s’étend à tout titulaire de droits exclusifs dont l’accord est nécessaire pour autoriser l’exploitation de l’œuvre. Actuellement, l’exploitation sans autorisation fait courir le risque d’une action en contrefaçon (la bonne foi de l’exploitation étant sans effet).
Il existe plusieurs cas de figure :
1.
l’auteur n’a jamais divulgué son œuvre (elle n’est alors pas dissociable de l’auteur et n’est pas « dans le commerce ») : on parle d’œuvres inédites – ou non publiées (ainsi que les œuvres pour lesquelles l’auteur aurait usé de son « droit à l’oubli ») ;
2.
l’auteur a publié son œuvre sans pour autant consentir de quelconque licence ou autorisation ;
3.
l’auteur a autorisé à priori un certain nombre d’usages sur son œuvre, mais ceux-ci ne sont plus adaptés à l’évolution de la technique (par exemple pour une diffusion sur Internet) et il n’est plus possible d’obtenir son accord pour étendre la première cession.
Face à ces œuvres orphelines, plusieurs comportements diamétralement opposés peuvent être adoptés :
1.
en l’absence d’autorisation expresse de l’auteur, l’œuvre reste inexploitée ;
2.
l’auteur n’étant pas connu, on exploite l’œuvre sans autorisation, à charge de ce dernier de réclamer à postériori une licence d’exploitation (générateur d’insécurité juridique). C’est ici le comportement de Google.
L’accroissement du nombre d’œuvres orphelines est le pendant à l’extension des droits de propriété intellectuelle (en durée comme objet) et de multiples travaux s’attachent aujourd’hui à lui trouver des solutions législatives. Le Canada a déjà légiféré, tandis que d’autres – à l’instar de la France, de l’Angleterre, ou plus largement de l’Europe et des États-Unis – réfléchissent aux mesures qui permettraient de réintégrer ces œuvres dans le commerce. Une commission spécialisée du CSPLA, intitulée « Exploitation des œuvres orphelines et des éditions épuisées », s’est réunie d’octobre 2007 à avril 2008 afin de réaliser un travail préliminaire à de potentielles réformes législatives. Le rapport de la commission a été publié le 19 mars 2008, comprenant notamment une annexe rédigée par Bernard Lang sur « L’exploitation des oeuvres orphelines dans les secteurs de l’écrit et de l’image fixe ».
Enfin, une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur certaines utilisations autorisées des œuvres orphelines a été publiée le 24 mai 2011. Elle est dédiée aux seules œuvres orphelines (lorsque plus aucun titulaire de droits ne peut être joint) et est soumise à une recherche diligente, œuvre par œuvre et dans chaque pays. Elle prévoit par ailleurs la possibilité pour l’ayant droit qui réapparaîtrait de revendiquer ses droits afin de percevoir la rémunération qui lui est due (sauf à ce que l’exploitation ait été faite dans le cadre d’un service public).
Les prérogatives de l’auteur
Les prérogatives que confèrent les droits d’auteur sont extrapatrimoniales ou patrimoniales.
L’auteur dispose de multiples prérogatives extrapatrimoniales regroupées sous la notion de droit moral :
le droit de divulgation (qui permet de décider de la première mise à disposition, publication)22 ;
les droits de repentir et de retrait (qui donnent la faculté discrétionnaire de retirer de la circulation ou de modifier son œuvre, moyennant indemnisation pour tout préjudice causé et l’obligation de proposer cette œuvre de préférence à l’ancien cessionnaire si l’œuvre est réintroduite sur le marché) ;
le droit à la paternité (droit au respect de son nom et de sa qualité) ;
et le droit au respect de l’œuvre.
Ces droits sont inaliénables (il n’est pas possible d’y renoncer ou de les céder), perpétuels et imprescriptibles (on ne les perd pas par le non-usage). Ils sont transmis aux héritiers de l’auteur ou par testament.
Par ailleurs, durant les 70 ans qui suivent le premier janvier qui suit la mort de l’auteur23, le titulaire de droit est le seul à pouvoir « exploiter » l’œuvre sur la base de prérogatives dites patrimoniales qui s’étendent à toute communication directe ou indirecte24 de l’œuvre au public :
le droit de reproduction concerne la fixation matérielle de l’œuvre sur un support par tous les procédés qui permettent de la communiquer au public de manière indirecte (impression, enregistrement, copie, etc.) ;
le droit de représentation concerne la communication directe de l’œuvre au public par un procédé quelconque (récitation ou exécution publique, représentation dramatique, télédiffusion, etc.) ;
droit de suite : apparu il y a moins d’un siècle, ce droit inaliénable permet aux auteurs d’œuvres graphiques et plastiques de percevoir une partie du produit de la vente ultérieure de leurs œuvres aux enchères publiques ou par l’intermédiaire d’un commerçant25. Une harmonisation communautaire a récemment étendu celui-ci à l’échelle des États membres de l’Union européenne ou partie à l’accord sur l’espace économique européen.
Droit d’auteur et copyright
Dans les pays anglo-saxons, un système similaire existe sous le nom de copyright (quoique proches, les régimes diffèrent légèrement selon les pays d’origine : États-Unis, Australie, Angleterre, etc.).
Conceptuellement différentes, les législations anglo-saxonnes et latines se rejoignent progressivement par l’effet de traités internationaux et par le mécanisme de mondialisation (le copyright américain s’inspirant du droit d’auteur et réciproquement).
Ainsi, même si le copyright américain ne reconnaît pas expressément de droits moraux à l’auteur, de nombreuses autres règles viennent limiter les usages qui peuvent être réalisés sur l’œuvre : notamment les règles de common law applicables à la dénaturation des faits et à la concurrence déloyale, du droit de la diffamation, des dispositions prévenant l’induction en erreur du consommateur (Lantham Act, 15 USC 1125 : « False designations of origin; false description or representation »).
Les États-Unis, membres de la Convention de Berne depuis le 1er mars 1989, assurent aussi à l’auteur le respect de sa paternité. À noter cependant que l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC, en anglais, Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights : TRIPS) reprend les stipulations de la Convention de Berne à l’exclusion des éléments relatifs aux droits moraux (voir sur Wikipedia la page consacrée aux « aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce »).
L’ordre public de protection favorable à l’auteur
Le droit d’auteur ayant été originellement conçu pour protéger l’auteur-personne physique, les rédacteurs ont prévu quelques dispositifs d’ordre public (de protection), impératifs et destinés à le protéger contre les tiers ou contre lui-même26 (en invalidant par exemple tout engagement de l’auteur de renoncer à ses droits).
C’est ainsi que la cession globale des œuvres futures est nulle et qu’un formalisme contraignant est imposé lors de la cession de droits :
La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée.
Par ailleurs, la rémunération proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation27 est le principe et seuls quelques cas isolés autorisent exceptionnellement une rémunération forfaitaire (le cessionnaire a enfin une obligation de rendre compte de sa bonne gestion et exploitation des droits cédés).
Ces dispositions étant destinées à la protection de l’auteur, seul ce dernier en bénéficie et peut opposer une nullité relative tout engagement qui y contreviendrait28 (dans les cinq ans à partir du jour où il en a eu connaissance). On parle d’ordre public de protection.
Enfin, le CPI encadre la conclusion de cinq contrats29 considérés comme étant « à risque » pour l’auteur :
Le contrat d’édition30 : le consentement personnel et écrit de l’auteur est obligatoire (Art. L132-7). L’auteur peut accorder un droit de préférence à l’éditeur pour l’édition de ses œuvres futures, de genres nettement déterminés, mais pour un maximum de 5 œuvres ou 5 années. L’éditeur est tenu d’assurer à l’œuvre une exploitation permanente et suivie ainsi qu’une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession, faute de quoi le contrat prend fin31.
Le contrat de représentation : il est conclu pour une durée limitée ou pour un nombre déterminé de communications au public (il peut être général si l’entrepreneur de spectacle peut représenter tout le répertoire d’un organisme). L’interruption des représentations au cours de deux années consécutives y met fin de plein droit.
Le contrat de production audiovisuelle : il emporte la cession des droits patrimoniaux des auteurs au profit du producteur de l’œuvre audiovisuelle. Néanmoins, cette cession ne concerne pas les droits de l’auteur de la composition musicale (celui-ci étant très souvent adhérent de la SACEM32).
Le contrat de commande pour la publicité : le contrat conclu entre le producteur et l’auteur emporte cession des droits d’auteur patrimoniaux au profit du producteur.
Le contrat de nantissement (sûreté mobilière) du droit d’exploitation des logiciels : il doit être conclu par écrit et inscrit sur un registre tenu par l’Institut national de la propriété industrielle (INPI).
Les libertés de son public
Les libertés du public sont assurées par un mécanisme d’exceptions, un principe d’épuisement, une série de licences légales et la consécration d’un domaine public.
Les exceptions au monopole du droit d’auteur
Quelques exceptions33 permettent de considérer des usages comme étant en dehors du monopole de l’auteur – à la condition néanmoins qu’ils ne portent pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l’auteur34.
Ces premiers usages concernent les actes réalisés dans la sphère privée des utilisateurs : la représentation dans le cercle de famille (acception large) et la reproduction pour un usage privé (acception stricte).
Les autres exceptions sont en dehors de la sphère privée : les analyses et courtes citations (dans un certain cadre), les revues de presse (usage réservé à la presse), la reprise des discours publics ou officiels, les catalogues des ventes judiciaires, l’exception pédagogique (moyennant une compensation financière) dès lors que sont « indiqués clairement le nom de l’auteur et la source » ; la parodie et la caricature dans le respect des lois du genre (ce qui inclut notamment l'indication de l'origine, de la paternité, etc.).
Diverses exceptions générales complémentaires traduisent la confrontation entre la recherche d’une protection de l’auteur et d’autres contraintes légales (pour la conservation des documents par les bibliothèques ouvertes au public ; pour la recherche et l’information ; pour les établissements culturels ; et au bénéfice des personnes handicapées) ou techniques (l’accès au contenu d’une base de données électronique, la reproduction provisoire présentant un caractère transitoire ou accessoire). Enfin, la loi Droit d’auteur et droits voisins dans la société de l’information (DADVSI, 2006) introduisit une exception pédagogique – néanmoins très limitée et en pratique peu (voire pas) utilisée (cela en dépit des sommes versées aux sociétés d'auteur conformément aux accords sectoriels conclus depuis 2006).
Il y a quelques années, un débat divisait ceux qui considéraient que cette liste d’exceptions constituait des droits au profit des utilisateurs et ceux qui n’y voyaient que des exceptions au monopole de l’auteur : un enjeu d’autant plus important que des exceptions ne sont utiles qu’en matière de défense alors que des droits pourraient être opposés aux auteurs. L’arrêt « Mulholland Drive » est venu clarifier la situation en qualifiant expressément les composantes de cette liste comme étant des « exceptions au droit d’auteur »35 : elles ne permettent donc que de se défendre contre toute accusation de contrefaçon, mais ne servent pas de supports à la revendication de nouveaux droits.
La notion américaine de Fair use
Le copyright ne contient pas de liste limitative d’exceptions comme en matière de droit d’auteur, mais une notion de fair use.
Ce principe (n’agissant qu’en défense contre une éventuelle action en contrefaçon) permet l’utilisation d’une œuvre dès lors que cette utilisation ne porte pas atteinte à l’exploitation normale et ne cause pas un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire de droits. C’est un principe utilisé directement par le juge afin de ne pas retenir la contrefaçon dans certaines circonstances (non limitativement appréciée comme dans le droit d’auteur).
La rémunération pour copie privée
Il s’agit d’une redevance pour copie privée qui touche tous les supports de stockage (CD et DVD enregistrables, disques durs, mémoires flash, etc.). Une commission a pour charge de la faire évoluer selon les pratiques en vue de compenser la reproduction effectuée au titre de copie privée par les utilisateurs. Néanmoins, par une décision du 20 septembre 2010, la Commission copie privée indique que dorénavant « tous les supports de stockage externes utilisables directement avec un ordinateur » seront soumis à rémunération…
Les bénéficiaires sont les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes et vidéogrammes – uniquement pour les phonogrammes et vidéogrammes fixés pour la première fois dans un État membre de l’Union européenne. Cette redevance varie selon le type de support (et de la durée d’enregistrement qu’il permet) et est payée par le fabricant, l’importateur ou la personne qui réalise des acquisitions intracommunautaires36. Elle est gérée par les sociétés de gestion collective et est ensuite répartie différemment selon s’il s’agit d’un phonogramme (12 aux auteurs,14 aux artistes-interprètes, 14 aux producteurs), d’un vidéogramme (13 aux auteurs, 13 aux artistes-interprètes, 13 aux producteurs), ou d’une œuvre écrite (12 aux auteurs ; 12 aux éditeurs).
Les licences légales
Les titulaires de droits sont aussi tributaires de licences légales (gestion collective obligatoire37 de leur droit), généralement justifiées par des raisons pratiques (faciliter l’accès aux œuvres ou pallier la difficulté de contrôler l’usage qui en est fait). Elles font figure d’exceptions au principe et transforment dans certaines hypothèses précises, le monopole de l’auteur en un simple « droit à rémunération » sans qu’il ne puisse faire valoir son monopole38. On connait ainsi en France :
La licence légale relative au prêt en bibliothèque39 dispose que l’auteur d’un livre (ou d’une œuvre contenue dans celui-ci) ne peut interdire que son œuvre soit prêtée par une bibliothèque accueillant du public, en contrepartie d’un droit à rémunération supplémentaire. La gestion collective est assurée par la Sofia.
La licence légale en matière de reprographie induit que « la publication d’une œuvre emporte cession du droit de reproduction par reprographie à une société » de gestion collective agréée (telle que le Centre français pour l’exploitation du droit de copie – CFC) – à l’exception des « copies aux fins de vente, de location, de publicité ou de promotion ».
La licence légale en matière de retransmission par câble, induit que la retransmission par câble simultanée, intégrale et sans changement sur le territoire national d’une œuvre télédiffusée à partir d’un État membre de la Communauté européenne ne peut être exercée que par une société de perception et de répartition des droits40.
Société de gestion collective ou Société de perception et de redistribution des droits
Les sociétés de gestion collective sont avant tout des sociétés civiles (de droit privé) soumises à un contrôle (souple) par le gouvernement : la procédure de création des SPRD passant par une transmission des statuts au ministre chargé de la culture.
La loi leur confère notamment la mission de négocier des contrats généraux d’intérêt commun, pour améliorer la diffusion des phonogrammes ou vidéogrammes ou de « promouvoir le progrès technique ou économique ». Une partie des fonds non redistribués par les SPRD (dits les irrépartissables – par exemple lorsque des sommes perçues ne sont pas reversées en l’absence de convention de réciprocité avec le pays de l’ayant droits) doit être investie pour aider les artistes et la diversité culturelle. Elles gèrent notamment la redevance pour copie privée et quelques licences légales.
Elles gèrent tout type de droit de propriété intellectuelle et sont généralement sectorisées (l’une pour les auteurs, l’autre pour les droits voisins des artistes-interprètes, etc.). Elles sont soumises à une obligation de transparence et doivent tenir à la disposition des utilisateurs éventuels le répertoire complet des auteurs et compositeurs français et étrangers qu’elles représentent41.
L’épuisement des droits
La théorie de l’épuisement des droits vient limiter les prérogatives de l’auteur en considérant que tout titulaire de droits ne peut contrôler la circulation d’un bien sur un territoire donné (en Europe l’épuisement est communautaire42) une fois celui-ci commercialisé par ses soins ou avec son autorisation. Ainsi :
[d]ès lors que la première vente d’un ou des exemplaires matériels d’une œuvre a été autorisée par l’auteur ou ses ayants droit sur le territoire d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État parti à l’accord sur l’Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette œuvre ne peut plus être interdite dans les États membres de la Communauté européenne et les États partis à l’accord sur l’Espace économique européen43.
L’épuisement est une notion attachée au bien physique, la « marchandise » : l’épuisement d’un droit relatif à une copie vendue dans le territoire de l’Union européenne n’emporte pas l’épuisement à l’égard d’autres copies, pas plus que la détention de cette copie ne confère le droit de reproduire ou représenter l’œuvre contenue dans ce bien physique.
Le domaine public
Le domaine public regroupe toutes les œuvres qui ne sont plus couvertes par un monopole : que celui-ci soit éteint, ou qu’il n’existe pas en raison du statut de l’œuvre.
Les œuvres pour lesquelles le délai de protection s’est écoulé – on dit qu’elles sont tombées, élevées ou (r)entrées dans le domaine public – peuvent être utilisées sans qu’une autorisation soit nécessaire (sous réserve du respect des droits moraux) ;
Les œuvres tombées dans le domaine public dans un pays étranger dès lors que les œuvres ont été initialement divulguées (première communication au public) dans celui-ci ;
Pour répondre au principe selon lequel « nul n’est censé s’approprier la loi », certaines œuvres ne sont pas soumises à de quelconques droits exclusifs44 : lois, discours, jurisprudence, etc.
Certaines créations liées à la culture d’une société, généralement regroupées sous le terme de folklore ne sont généralement pas appropriables45 (bien que certains considèrent au contraire qu’une telle appropriation devrait être possible au bénéfice seulement des peuples autochtones46).
La validité d’une mise dans le domaine public volontaire
Aucun texte et aucune jurisprudence ne permettent à ce jour de donner de réponse certaine à la question de la validité d’un tel « domaine public » consenti. Néanmoins, plusieurs arguments rendent critiquable la validité d’une mise volontaire dans le domaine public d’une œuvre par son auteur.
1.
Le parallélisme des formes (c’est la loi qui fixe les conditions d’accès à ces protections, mais aussi de terminaison) : les droits naissent par simple effet de la loi dès qu’il y a création originale et s’éteignent 70 ans après le 1er janvier qui suit la mort de l’auteur ;
2.
la validité juridique d’un tel acte (engagement unilatéral de volonté) est très fortement remise en question en droit français (il pourrait donc être révoqué à tout moment par l’auteur…) ;
3.
même dans l’hypothèse favorable qui accueillerait cette renonciation aux droits, le formalisme exigé (le droit civil demande un acte authentique pour ce type d’acte) ne serait manifestement pas respecté.
Il semble donc préférable d’encourager le remplacement de ces renonciations par l’usage de licences du type BSD (Berkeley Software Distribution), MIT (Massachusetts Institute of Technology) ou Creative Commons-0 qui organisent une cession très large des droits patrimoniaux (c’est ce que font des projets comme la communauté Debian à l’origine du système d’exploitation Debian GNU-Linux).Par ailleurs, ces considérations n’auraient bien sûr d’effets qu’à l’égard des droits patrimoniaux (attachés à l’exploitation de l’œuvre) et resteraient sans effet vis-à-vis des droits moraux.


1. Par exemple 5,24 % du PIB des États-Unis pour 2001, soit 5 535,1 milliards de dollars selon l’étude « Droit d’auteur, Études d’impacts économiques »(www.ic.gc.ca).
2. Chauveau (Adolphe) et Hélie (Faustin), Théorie du Code pénal, 5e éd., entièrement rev. et considérablement augmentée, Paris, Imprimerie et Librairie générale de Jurisprudence Cosse, Marchal et Billard, 1872-1873, 6 volumes. Voir les volumes 3 à 4 : « Les défenses d’imprimer aucun livre nouveau sans permission remontent à l’époque ou l’imprimerie commença à prendre son essor et à multiplier les livres. »
3. Il s’agit de la Loi de 1686 sur les « privilèges perpétuels ».
4. Aboutissant à des situations où son œuvre était imprimée contre son gré, Molière s’en était ainsi plaint dans la préface rédigée à l’occasion de l’édition des Précieuses ridicules en 1660.
5. Encyclopædia Universalis, 2012, article « Artisanat ».
6. En France, deux arrêts réglementaires du 30 août 1777 du roi Louis xiv consacrèrent les droits des libraires (non plus limités aux seuls libraires parisiens) et les droits des auteurs. Voir aussi Dupont (Paul), Histoire de l’imprimerie, Paris, Édouard Rouveyre, 1853 (extrait lisible sur http://www.textesrares.com/bibchron.htm).
7. Le projet fut rédigé par Mirabeau, Le Chapelier n’étant que le « pétitionnaire » ; il s’inspire du projet de loi de Sieyès du 20 janvier 1790, qui est d’ailleurs bien davantage un projet de police des infractions commises au moyen de la chose imprimée qu’un projet de loi sur le droit d’auteur.
8. Voir sur l’histoire du droit d’auteur : Latournerie (Anne), « Petite histoire des batailles du droit d’auteur », dans Multitudes, n°5, 2001, p. 37-62.
9. Il est une réaction directe aux effets pervers de la « propriété publique », nom donné alors au droit d’auteur, telle que défendue par les « pirates littéraires » que constituent les directeurs de théâtres. Voir Jean (Benjamin) et Canevet (Sébastien), « L’évolution du droit d’auteur à l’ère du numérique », dans La Bataille HADOPI, Paris, In Libro Veritas, 2009.
10. Anne Latournerie, ibid..
11. Art. L111-2 CPI : « L’œuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée de la conception de l’auteur. »
12. Zola (Émile), Mes haines (1866), Paris, éd. Charpentier, 1879, chap. « M. H. Taine, artiste », p. 229.
13. Art. L112-1 CPI.
14. L’arrêt de référence en la matière fut prononcé en assemblée plénière de la Cour de cassation le 7 mars 1986, Société Babolat c/Pachot, n°84-93.509.
15. Art. L111-1 al. 1 CPI.
16. Art. L 111-1 al. 3 CPI : « L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n’est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l’auteur de l’œuvre de l’esprit est un agent de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France. »
17. Voir à ce sujet Lucas (André et Henri-Jacques), Traité de la propriété littéraire et artistique, 2e édition, Litec, note n°176 : « Nous verrons que la Cour de cassation fait bénéficier de façon générale la personne morale qui exploite commercialement une œuvre d’une présomption de titularité à l’égard du tiers contrefacteur. »
18. Art. L113-1 CPI.
19. Art. L113-2 CPI. L’œuvre doit être créée « à l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participants à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. »
20. Art. L113-2 al. 2 CPI : « Est dite composite l’œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière ». L’article L113-4 CPI précise qu’elle est « la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’œuvre préexistante ».
21. Art. L121-3 CPI : « [l]es auteurs de traductions, d’adaptations, transformations ou arrangements des œuvres de l’esprit jouissent de la protection instituée par le présent code sans préjudice des droits de l’auteur de l’œuvre originale. Il en est de même des auteurs d’anthologies ou de recueils d’œuvres ou de données diverses, tels que les bases de données, qui, par le choix ou la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles. »
22. À noter que le droit de divulgation se distingue du droit de destination, ce dernier permettant de contrôler l’usage (location, vente, etc.) que les tiers font des reproductions mises en circulation (il fait à ce titre partie des prérogatives patrimoniales).
23. Ou la date de publication s’il s’agit d’une œuvre pseudonyme, anonyme ou collective (Art. L123-3 CPI). Dans le cas des œuvres posthumes (publiées après la mort de l’auteur), la durée de protection est de 70 ans à partir du 1er janvier de l’année suivante, ou 25 ans si l’auteur est décédé plus de 70 ans avant cette publication.
24. Art. L122-2 CPI et Art. L122-3 CPI.
25. Pour toute vente supérieure à 15 euros, le montant de ce droit est de 3% et il est prélevé sur le prix de vente publique de l’œuvre (Art. L122-8 CPI).
26. Art. L131-1 CPI et suivants.
27. Souvent, celle-ci est particulièrement difficile à déterminer. Voir l’excellente synthèse Vercken (Gilles), L’assiette de la rémunération des auteurs dans les contrats multimédia, Association française pour la protection internationale du droit d’auteur, 18 Avril 2000.
28. Cour de cassation, Bulletin d’information, n°740, 15 avril 2011, accessible sur : http://www.courdecassation.fr/.
29. Art. L.132-1 à Art. L.132-45 CPI.
30. Il se distingue des contrats à compte d’auteur (Art. L132-2 CPI) ou de compte à demi (Art. L132-3 CPI) dans lesquels les risques sont entièrement ou partiellement assurés par l’auteur.
31. Le contrat d’édition prend fin, indépendamment des cas prévus par le droit commun ou par les articles précédents, lorsque l’éditeur procède à la destruction totale des exemplaires. L’édition est considérée comme épuisée si deux demandes de livraisons d’exemplaires adressées à l’éditeur ne sont pas satisfaites dans les trois mois.
32. La Sacem (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) est la principale Société de Perception et de Redistribution des Droits en France ( http://www.sacem.fr).
33. Art. L122-5 CPI.
34. C’est l’application du triple test (test en trois étapes) tel qu’il a été transposé par la loi DADVSI : le premier des trois tests (limitation de l’exception à certains cas spéciaux) ayant été directement intégré à la loi.
35. Dernier arrêt de la Cour d’appel de Paris 4e chambre, section A, Arrêt du 4 avril 2007 (disponible sur http://www.legalis.net) : « il résulte de la nature juridique de la copie privée que celle-ci, contrairement aux affirmations de l’UFC et de Stéphane P. ne constitue pas un droit, mais une exception légale au principe de la prohibition de toute reproduction intégrale ou partielle d’une œuvre protégée faite sans le consentement du titulaire de droits d’auteur. »
36. Les entreprises qui usent de ces supports pour leur propre besoin peuvent demander le remboursement de cette redevance.
37. Il n’existe pas en France de « licence légale facultative » par laquelle l’œuvre serait automatiquement, sauf volonté contraire, gérée par une société de gestion collective.
38. Pour une étude globale des licences légales et obligatoires, voir le document publié par Correa (Carlos M.) pour Centre Sud : Droits de propriété intellectuelle et licences obligatoires : options pour les pays en développement, Documents de travail, Trade-Related Agenda, Development and Equity (T.R.A.D.E.).
39. Art. L133-1 CPI : « Lorsqu’une œuvre a fait l’objet d’un contrat d’édition en vue de sa publication et de sa diffusion sous forme de livre, l’auteur ne peut s’opposer au prêt d’exemplaires de cette édition par une bibliothèque accueillant du public. Ce prêt ouvre droit à rémunération au profit de l’auteur selon les modalités prévues à l’article L133-4. »
40. Art. L132-20-1, I et Art. L217-2, I CPI.
41. Art. L321-3 et Art. L321-7 CPI.
42. Ceci afin de ne pas limiter le libre échange organisé entre les membres de la Communauté européenne. L’épuisement est généralement national, à l’exception de certains pays – comme le Japon – qui sont suffisamment compétitifs pour préférer un épuisement international.
43. Article L122-3-1 CPI.
44. Vivant (Michel) et Bruguière (Jean-Marie), Droit d’auteur, Paris, Dalloz, coll. Précis, 2009.
45. Ainsi, une série de dispositifs ont été mis en place avec pour ambition d’empêcher que des brevets ou autres droits exclusifs soient octroyés à des personnes autres que les peuples ou communautés autochtones qui sont à l’origine des savoirs traditionnels et en ont à juste titre le contrôle ; ou que ces savoirs traditionnels puissent être utilisés sans l’autorisation des peuples ou communautés autochtones qui sont à l’origine de ces savoirs et en ont à juste titre le contrôle, et sans un partage approprié des avantages qui en découlent. Voir notamment la note publiée par l’OMC : La protection des savoirs traditionnels et du folklore. Résumé des questions qui ont été soulevées et des vues qui ont été formulées, IP/C/W/370/Rev.1, note du secrétariat, 9 mars 2006.
46. Voir notamment la Journée internationale des populations autochtones. Quels enjeux en Amérique Latine ?, qui s’est tenue le 9 août 2001 (journée créée en 1994 par l’ONU). À cette occasion le secrétaire général de l’Organisation des nations unies, Ban Ki-moon, a demandé à la communauté internationale de « reconnaître le droit des peuples autochtones à contrôler leur propriété intellectuelle et d’en finir avec l’exploitation dont beaucoup souffrent ainsi que de valoriser leurs traditions et cultures ancestrales. »

1.1.2.2 L’équilibre du droit d’auteur pour les cas particuliers

Même si elles reposent toutes sur le droit d’auteur classique tel qu’il vient d’être exposé, plusieurs situations emportent des conséquences particulières : le cas de l’œuvre logicielle (1.1.2.2.a), celui de l’œuvre d’un agent public (1.1.2.2.b) ou d’un journaliste (1.1.2.2.c), et celui des œuvres audiovisuelles et radiophoniques (1.1.2.2.d).
L’œuvre logicielle
En matière de logiciels, le législateur s’est initialement interrogé sur la pertinence d’une protection légale (face à l’usage du secret industriel). Certains y voyant une forme d’expression de son auteur. La loi du 3 juillet 1985 a tranché en ajoutant expressément le logiciel comme une œuvre couverte par le monopole d’exploitation de son auteur47. Le logiciel reste néanmoins une œuvre particulière puisque tant le monopole de l’auteur que les libertés des utilisateurs diffèrent.
Conformément au principe, le seul titulaire de droit d’auteur sur un logiciel est l’auteur (individu-personne physique), mais le CPI prévoit un système dérogatoire au droit commun lorsque celui-ci est un salarié (du secteur privé ou public). Il y alors deux effets notables (sauf stipulation contraire plus favorable au salarié) : une dévolution automatique des droits patrimoniaux à l’employeur48 dès lors que le salarié a créé le logiciel « dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions de son employeur » et un « affaiblissement » des droits moraux du salarié qui ne peut s’opposer à une modification sur son logiciel.
Concernant l’exploitation de son logiciel, le monopole du titulaire de droits s’étend à :
1.
la reproduction (qui concerne ntamment le chargement, l’affichage, l’exécution, la transmission ou le stockage)49 ;
2.
la modification ;
3.
la première mise sur le marché.
Les prérogatives morales de l’auteur d’un logiciel se limitent à la mention de sa paternité50 et au respect de son honneur et de sa réputation.
Les exceptions classiques au droit d’auteur n’ont pas lieu d’être en matière de logiciel, en revanche le titulaire de droit sur un logiciel ne peut empêcher51 :
les actes nécessaires à la correction des erreurs, sauf si l’auteur s’est réservé ce droit ;
la copie de sauvegarde ;
la rétro-ingénierie (ou reverse engineering) qui consiste en l’étude et l’observation du logiciel pour en déterminer les idées et principes ;
la reproduction nécessaire à assurer l’interopérabilité (uniquement en faveur d’un utilisateur légitime ; si les informations ne sont pas disponibles ; et pour cette seule finalité d’interopérabilité).
Les mesures techniques sur les logiciels
Les mesures techniques utilisées sur un logiciel bénéficient d’une protection spécifique : « [t]oute publicité ou notice d’utilisation relative aux moyens permettant la suppression ou la neutralisation de tout dispositif technique protégeant un logiciel doit mentionner que l’utilisation illicite de ces moyens est passible des sanctions prévues en cas de contrefaçon » (Art. L122-6-1 CPI).
L’œuvre d’un agent public
Le droit est bien souvent la hiérarchisation de diverses normes et il a ici été considéré que la mission de service public (à laquelle contribue l’agent public par son activité) ne pouvait souffrir de la reconnaissance de tels monopoles personnels.
Consacrant une jurisprudence constante du Conseil d’État, la loi DADVSI de 2006 a mis en place un nouveau cadre juridique venant saisir certaines œuvres de fonctionnaires afin de faciliter la diffusion des informations publiques à la charge des administrations et collectivités. La loi organise ainsi une cession automatique en faveur de la personne publique qui les emploie :
Dans la mesure strictement nécessaire à l’accomplissement d’une mission de service public, le droit d’exploitation d’une œuvre créée par un agent de l’État dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à l’État.
La portée de cette loi est néanmoins limitée : seuls sont concernés les fonctionnaires ne disposant pas d’une liberté de création (donc à l’exclusion des chercheurs et des enseignants) ; et pour la seule exploitation non commerciale de leurs œuvres (la personne publique ne disposant, dans ce dernier cas, que d’un droit de préférence52).
L’œuvre d’un journaliste
Depuis la loi HADOPI du 12 juin 2009, une section 6 « Droit d’exploitation des œuvres des journalistes » limite les prérogatives des auteurs journalistes : le contrat conclu par un journaliste emporte cession de ces œuvres au profit de son employeur (dans le cadre des images fixes, seulement si celles-ci ont été commandées par l’entreprise de presse)53 pour la période fixée par l’accord d’entreprise ou tout autre accord collectif établi sous le contrôle d’une commission paritaire créée par la loi (qui devra prendre en considération la périodicité du titre de presse et la nature de son contenu).
La cession des droits est automatique dès que le journaliste est salarié, mais elle ne s’étend pas aux exploitations hors du titre de presse initial ou d’une famille cohérente de presse.
Œvres audiovisuelles et radiophoniques
La particularité de la situation des œuvres audiovisuelles (Art. L113-7 CPI) et radiophoniques (Art. L113-8 CPI) n’est pas tant dans les prérogatives ou la dévolution des droits, mais dans l’organisation d’un partage de la qualité d’auteur : le statut induit une présomption d’auteur(s) au bénéfice de l’auteur du scénario ou de l’adaptation, de l’auteur du texte parlé, de l’auteur des compositions musicales avec ou sans paroles spécialement réalisées pour l’œuvre, du réalisateur, éventuellement des auteurs de l’œuvre originaire.

1.2 Les créations auxiliaires soumises aux droits voisins

Apparus à l’occasion de la loi Lang de 1985 et confectionnés sur le modèle du droit d’auteur, les droits voisins englobent tous les auxiliaires de la création qui participent à la communication de l’œuvre au public. Divers et variés, ils recouvrent des acteurs bien distincts : les artistes-interprètes d’un côté et les industries culturelles de l’autre (producteurs de phonogrammes ou vidéogrammes et entreprises de communication audiovisuelle) – à noter que les éditeurs n’en font pas partie, mais ils sont fréquemment ayants droit des auteurs qu’ils éditent et peuvent bénéficier de la protection au titre des droits d’auteur lorsqu’ils font eux-mêmes preuve d’originalité.
Il s’agissait, pour les artistes-interprètes, d’acquérir le contrôle de l’utilisation de leur prestation et, pour les autres bénéficiaires de droits voisins, d’accompagner l’arrivée de ces nouvelles industries (du disque, de l’audiovisuel, du cinéma, etc.).
Malgré la diversité des qualifications (1.2.1), les droits répondent à un équilibre semblable (1.2.2).

1.2.1 Les différentes qualifications des droits voisins

Trois types de créations donnent accès aux droits voisins : l’interprétation (1.2.1.1), les phonogrammes ou vidéogrammes (1.2.1.2), et les programmes (1.2.1.3).

1.2.1.1 L’interprétation des artistes-interprètes

L’artiste-interprète est celui qui interprète, qui exprime une œuvre littéraire ou artistique, un numéro de variété, de cirque ou de marionnettes. Généralement artiste et salarié, il bénéficie d’un statut hybride faisant appel tant au Code du travail qu’au Code de la propriété intellectuelle.
On le distingue des artistes de compléments (« les figurants », personnes aisément remplaçables sans que cela n’influe sur la création54) et des techniciens qui l’accompagnent. Ceux-ci sont généralement rémunérés pour leur prestation sous forme de salaire ou assimilable.

1.2.1.2 Les phonogrammes ou vidéogrammes des producteurs

Le producteur de phonogramme ou de vidéogramme est la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation « d’une séquence de son »55 ou « d’une séquence d’images sonorisée ou non »56 et en assume l’intégralité des risques financiers. Il se distingue ainsi du fabricant de support (qui ne détient aucun droit exclusif).

1.2.1.3 Les programmes des entreprises de communication audiovisuelle

Les entreprises de communication audiovisuelles sont les organismes qui exploitent un service de communication audiovisuelle57, quel que soit le régime applicable à ce service, ou, pour faire court : les « chaînes » de télévision ou radio. Elles disposent d’un droit sur leurs programmes.

1.2.2 L’équilibre commun aux droits voisins

L’équilibre des droits voisins entre le monopole des titulaires de droits voisins (1.2.2.1) et les libertés de leur public (1.2.2.2).

1.2.2.1 Le monopole des titulaires de droits voisins

Les prérogatives issues des différents droits voisins diffèrent substanciellement :
Les prérogatives patrimoniales des artistes-interprètes leur permettent de contrôler58 la fixation, la représentation et la communication au public de leur prestation ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image dans l’hypothèse d’un tel enregistrement. Par ailleurs, seuls les artistes-interprètes disposent de prérogatives morales (inaliénables et imprescriptibles comme en matière de droit d’auteur) sous la forme d’une reconnaissance d’un droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation.
L’autorisation du producteur d’un phonogramme ou vidéogramme est requise pour toute reproduction, mise à disposition (par vente, louage ou échange) ou communication au public dudit phonogramme ou vidéogramme.
Enfin, sont soumises à l’autorisation des entreprises de communication audiovisuelle la reproduction de leurs programmes, leur mise à la disposition (par vente, louage ou échange) ou communication au public s’il y a un droit d’entrée et leur télédiffusion.
Concernant la durée de protection, elle était, jusqu’au 12 septembre 2011, de 50 ans à partir du premier janvier qui suit leur contribution (l’interprétation pour les artistes-interprètes ; la première fixation d’une séquence de son pour les producteurs de phonogrammes ; la première fixation d’une séquence d’images sonorisée ou non pour les producteurs de vidéogrammes ; la première communication au public des programmes pour des entreprises de communication audiovisuelle). La durée à néanmoins été portée à 70 ans par la très récente « directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2006/116/CE relative à la durée de protection du droit d’auteur et de certains droits voisins ».
Enfin, la signature du contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur pour la réalisation d’une œuvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interprète (le producteur sera généralement in fine le seul titulaire de droits). La directive de 2011 insère quelques mesures d’accompagnement en faveur des artistes-interprètes (seulement pour les vingt années supplémentaires) : la création de clauses d’« exploitation à peine de perte de droits » (use it or lose it) qui, à l’instar du contrat d’édition, imposent aux producteurs de commercialiser l’enregistrement et un fonds dans lequel les maisons de disques devront verser 20% des revenus générés pendant la période de protection additionnelle aux musiciens de studio.

1.2.2.2 Les limitations apportées au monopole

Complémentaires, les droits voisins souffrent de leur rapport hiérarchique avec le droit d’auteur (1.2.2.2.a) et d’une licence légale supplémentaire (1.2.2.2.b) qui les transforment fréquemment en de simples droits à rémunération.
Rapport avec le droit d’auteur
Par principe, les droits voisins ne peuvent être interprétés de manière à porter atteinte au monopole de l’auteur59. Ensuite, les droits voisins sont soumis aux mêmes limitations que le droit d’auteur :
l’article L211-3 CPI prévoit une liste d’exceptions similaire à celle du droit d’auteur (cf. supra) ;
toute vente d’un bien sur lequel porte un droit voisin au sein de la Communauté européenne « épuise » ces droits au sein de cette communauté (Art. L211-6 CPI) ;
l’artiste interprète ne peut limiter la retransmission (simultanée intégrale, sans changement et sur le territoire national) par satellite et par câble en cas de télédiffusion de son interprétation et la reproduction ou communication publique de sa prestation si elle est accessoire à un événement constituant le sujet principal d’une séquence d’une œuvre ou d’un document audiovisuel60.
Licence légale supplémentaire : la rémunération équitable
Lorsqu’un phonogramme a été publié à des fins de commerce pour la première fois dans un État membre de l’Union européenne, l’artiste-interprète et le producteur ne peuvent s’opposer :
1.
à sa représentation (à l’exception d’une nouvelle interprétation) ;
2.
à sa radiodiffusion (et à sa câblodistribution simultanée et intégrale).
En contrepartie, ceux-ci perçoivent une rémunération dite équitable par le biais d’une société de gestion collective dédiée (la Société pour la Perception de la Rémunération Équitable) calculée sous la forme d’une rémunération proportionnelle aux recettes. Elle est versée à parts égales entre les interprètes et les producteurs de phonogrammes.

1.3 Les mesures techniques de protection et d’information

Innovations issues de l’accord signé à l’OMPI sur les Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de 1996 et de la Directive européenne sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information (EUCD) de 2001, les mesures techniques de protection (MTP) et d’information (MTI) se voient dorénavant protégées dans leur utilisation sur une œuvre lorsqu’elles garantissent l’effectivité des autorisations de droits de propriété littéraire et artistique (droit d’auteur et droits voisins)61.
Elles ne s’appliquent pas en matière de logiciels ou de bases de données qui bénéficient de protections spécifiques. La mesure technique doit remplir certains critères (1.3.1) afin de faire bénéficier d’un équilibre qui lui est propre (1.3.2).

1.3.1 Qualification des mesures techniques de protection et d’information

Seules donnent droit à cette protection les mesures techniques (1.3.1.1) dites efficaces (1.3.1.2).

1.3.1.1 Une mesure technique

Selon l’article 6.3 de la directive du 22 mai 2001, une mesure technique peut être
[t]oute technologie, dispositif ou composant qui, dans le cadre normal de son fonctionnement, est destiné à empêcher ou à limiter, en ce qui concerne les œuvres ou autres objets protégés, les actes non autorisés par le titulaire d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin du droit d’auteur prévu par la loi, ou du droit sui generis prévu au chapitre III de la directive 96/9/CE.
Cette mesure n’est néanmoins pas protégée en elle-même, mais dans le cadre de son utilisation sur une œuvre62, c’est-à-dire « destinée à empêcher ou limiter une utilisation non autorisée ». Par ailleurs, pour qu’une mesure technique puisse prétendre à une protection, il faut donc :
1.
qu’elle vienne renforcer un droit de propriété intellectuelle ;
2.
qu’elle corresponde à un choix unanime de tous les titulaires de droits ;
3.
qu’elle fasse l’objet de mentions spécifiques calquées sur le formalisme du droit d’auteur63 ;
4.
qu’elle soit efficace (afin d’éviter que le droit vienne couvrir des mesures de protection qui n’en seraient pas).
Enfin, elle doit nécessairement faire l’objet d’une information au consommateur (avec pour idée de faire jouer la loi du marché, le consommateur sanctionnant lui-même une utilisation abusive des MTP).
Les Mesures d’Information sont des informations signifiantes par elles-mêmes (directement ou indirectement – par exemple moyennant le recours à un index ou une base de données) et liées à l’œuvre (informations sur l’auteur, l’œuvre et sur sa licence). De même, elles ne sont pas protégées en tant que telles, mais uniquement en ce qu’elles apparaissent « en relation avec la communication au public de l’objet protégé » et uniquement pour les informations sous forme électronique.
La loi HADOPI est venue substituer la Haute Autorité pour la Diffusion des Œuvres et la Protection des droits sur Internet (HADOPI) à l’ancienne Autorité de Régulation des Mesures Techniques (ARMT – cette dernière n’ayant jamais été saisie en un peu plus de deux années d’existence64).

1.3.1.2 Une mesure technique efficace

Seules les mesures techniques « efficaces » peuvent prétendre au bénéfice de la protection. Le critère est destiné à écarter les mesures techniques triviales qui auraient pour seul objectif l’acquisition d’un nouveau droit exclusif.
Le projet de loi précise ainsi que les mesures techniques sont « réputées efficaces lorsqu’une utilisation (…) est contrôlée grâce à l’application d’un code d’accès, d’un procédé de protection, tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’objet de la protection, ou d’un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection. »
Le cas des CSS
Les DVD se préservent de la copie par une protection dite CSS (Content Scrambling System) créée en 1996. En tant que MTP, le CSS est donc juridiquement protégé à condition d’être techniquement efficace – la loi n’a pas pour vocation de rendre efficace une mesure technique qui ne l’est pas ou qui ne l’est plus.
En l’espèce, il n’est pas certain que l’efficacité de la mesure technique puisse être démontrée, eu égard à la facilité, l’ancienneté et la grande accessibilité de son contournement. Un jugement finlandais fondé sur la directive EUCD du 22 mai 2001 est venu appuyer cette thèse (source, et traduction disponibles sur http://www.turre.com/blog/, billet du 25/05/2007). Il n’y a malheureusement pas de réponse en France sur la question, l’ARMT qui avait été créée à cette fin n’ayant jamais été officiellement saisie.

1.3.2 L’équilibre au regard de la protection des mesures techniques de protection et d’information

L’équilibre des mesures techniques de protection s’apprécie au regard des prérogatives offertes par la protection (1.3.2.1) et les libertés conservées par le public (1.3.2.2).

1.3.2.1 Les prérogatives sous forme de sanction des atteintes

Protection destinée à certaines industries (en premier lieu celle du disque), les demandeurs de l’action sont multiples et disposent de prérogatives différentes. Deux types d’atteintes peuvent être sanctionnées :
1.
les atteintes indirectes à des protections relatives aux droits des auteurs ou droits voisins (qui concernent par exemple les logiciels permettant le contournement) : étant des actes d’accompagnement, ils sont envisagés plus sévèrement, car effectués par des professionnels (jusqu’à 6 mois d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende) ;
2.
les atteintes directes (contournement, neutralisation, suppression ou modification) sont sanctionnées différemment suivant si elles sont autonomes (3 750 euros) ou assistées – donc par des utilisateurs finaux (actuellement 750 euros).
Les demandeurs à l’action sont les titulaires de droits (ou ayants cause), ainsi que tout exploitant directement impliqué par la mise en œuvre de la mesure technique (distribution qui peut être définie contractuellement). L’action peut alors être pénale (en contrefaçon) ou civile (en responsabilité), et des peines complémentaires sont prévues (fermeture totale ou partielle de l’établissement, et diverses confiscations)65.
Les saisines de l’ARMT (aujourd’hui HADOPI) prévues aux articles L331-5 et suivants s’avèrent être finalisées, c’est-à-dire que la compétence de l’autorité était conditionnée au type de saisine (recours auprès de l’autorité) :
par un éditeur de logiciels afin d’accéder aux informations essentielles à l’interopérabilité (Art. L331-7 CPI);
par des bénéficiaires d’exceptions afin de ne pas en être privés (Art. L331-13 et Art. L331-14 CPI);
par une commission parlementaire sur des adaptations de l’encadrement législatif (Art. L331-17 CPI).

1.3.2.2 Les libertés des utilisateurs

Par principe, les mesures techniques venant renforcer un droit, elles ne doivent pas étendre celui-ci – par exemple en supprimant le bénéfice des exceptions. Par ailleurs, les actes réalisés dans le cadre d’une recherche scientifique en cryptographie ou les actes nécessaires à l’interopérabilité ne peuvent être limités par ces droits66. De la même manière, la suppression ou la modification de mesures techniques à des fins de sécurité informatique reste permise67.
Enfin, il semble évident qu’un utilisateur légitime dispose d’un droit d’user de l’œuvre acquise. C’est ce qui justifie qu’une MTP ne puisse s’opposer au libre usage de l’œuvre68 (la lecture d’une œuvre rentre dans le cadre de ce libre usage69).

1.4 Les bases de données donnant accès à un droit sui generis

Au surplus de la protection par le droit d’auteur dont bénéficie une base de données qui traduirait une forme originale, un droit sui generis leur a été consacré par la directive du 11 mars 199670 afin de protéger automatiquement les bases dont la constitution aurait demandé un investissement important.
Il est nécessaire de qualifier les bases de données bénéficiant de ces dispositions (1.4.1) avant d’examiner l’équilibre qu’elles organisent (1.4.2).

1.4.1 La qualification de base de données au sens de la Directive concernant la protection juridique des bases de données

Existant uniquement en Europe, ce droit, dit « droit sui generis des bases de données », sert à protéger l’investissement des producteurs de bases de données71. Ses visées sont essentiellement économiques et protègent l’investissement de celui qui, en réunissant des informations ou des contenus – généralement non appropriables – crée de la valeur sans pour autant pouvoir revendiquer un quelconque droit de propriété sur sa base. Il dure quinze années à compter de l’investissement nécessaire à l’achèvement de la base de données et une nouvelle protection démarre à chaque nouvel investissement substantiel.
Enfin, en cas de litige, c’est au producteur de prouver l’investissement72 relatif à la conception de la base de données. La CJCUE est venue préciser chaque type d’investissements à prendre en considération (l’obtention du contenu, sa vérification et sa présentation) ou non (l’investissement nécessaire à la réalisation des données qu’elle contient n’est pas compris dans celui-ci)73.

1.4.2 L’équilibre du droit sui generis des bases de données

L’équilibre du droit sui generis s’apprécie en comparant le monopole du producteur de la base de données (1.4.2.1) et les libertés des utilisateurs (1.4.2.2).

1.4.2.1 Le monopole du producteur de la base de données

Le droit sui generis des bases de données74 permet aux producteurs d’interdire :
1.
l’extraction ou la réutilisation d’une partie qualitativement ou quantitativement 75 substantielle du contenu d’une base de données ; ou
2.
« l’extraction ou la réutilisation répétée et systématique de parties qualitativement ou quantitativement non substantielles du contenu de la base lorsque ces opérations excèdent manifestement les conditions d’utilisation normales de la base de données. »
Le monopole porte sur la base de données (voir sur les utilisations faites de celle-ci), non pas sur les données elles-mêmes.

1.4.2.2 Les libertés des utilisateurs

Ce droit venant limiter l’utilisation de contenu généralement non sujet à un quelconque droit exclusif (qu’il s’agisse de données, d’informations non rédigées, etc.), il est lui-même très limité (généralement associé à d’autres mécanismes de protection – droits exclusifs ou contrat) : seuls les comportements abusifs (par exemple les « aspirations » par un concurrent qui voudrait proposer le même service sans investir lui-même dans la conception d’une telle base) sont sanctionnables, l’usage normal de la base étant quant à lui en dehors de ce droit (mais l’accès à la base pouvant parfaitement être limité par un contrat qui viendrait encadrer la réutilisation des données).
Ainsi, sauf à ce que le contenu même de la base de données soit objet d’un autre droit (droit d’auteur, droits voisins, etc.), l’utilisateur peut parfaitement en disposer sans demander d’autorisation.
Ce droit est un droit essentiellement destiné aux industriels, ceux-ci bénéficiant par ailleurs d’une série de droits dits « de propriété industrielle ».


47. Art. L112-2 al. 13 CPI. À noter que le caractère scientifique des logiciels n’exclut pas pour autant cette qualification d’œuvre de l’esprit : « L’élaboration d’un programme d’ordinateur est une œuvre de l’esprit originale dans sa composition et son expression allant au-delà d’une simple logique automatique et contraignante, il ne s’agit pas d’un mécanisme intellectuel nécessaire, les analystes-programmeurs ont à choisir comme les traducteurs d’ouvrages entre divers modes de présentation et d’expression, et leur choix porte ainsi la marque de leur personnalité » (TGI Paris, 27 mars 1987).
48. Ainsi le salarié qui fait un usage non autorisé du logiciel est susceptible d’être licencié et condamné à restituer le logiciel à son employeur (TGI Bobigny, 26 avril 2011, M. L.c/3Dsoft)
49. Seul l’usage du logiciel en SaaS (Software as a Service) supprime la nécessité pour l’utilisateur de disposer d’un tel droit.
50. TGI Nanterre, 13 janv. 1993, H. de P c/ Framatome : « L’auteur d’un logiciel peut imposer, malgré la cession, que les versions futures portent mention de son nom en tant qu’auteur. »
51. Art. L122-6-1 CPI.
52. Ce qui est susceptible de poser de nombreux problèmes quant à l’usage de licences libres, par nature a-commerciales.
53. Art. L132-35 à Art. L132-45 CPI.
54. Art. L212-1 CPI.
55. Art. L213-1 CPI.
56. Art. L215-1 CPI.
57. Au sens de la Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
58. Art. L212-3 CPI. Sont soumises à l’autorisation écrite de l’artiste-interprète la fixation de sa prestation, sa reproduction et sa communication au public, ainsi que toute utilisation séparée du son et de l’image de la prestation lorsque celle-ci a été fixée à la fois pour le son et l’image. Cette autorisation et les rémunérations auxquelles elle donne lieu sont régies par les dispositions des articles L762-1 et L762-2 du Code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L212-6 du présent code.
59. Art. L211-1 CPI.
60. Art. L212-10 CPI.
61. Chantepie (Philippe), Mesures techniques de protection des œuvres & DRM, 1re partie : un état des lieux, Rapport n°2003-02 (I), 2003 (lisible sur le site de la Direction générale des médias et des industries culturelles : http://www.ddm.gouv.fr/pdf/rapport_drm_2003.pdf).
62. L’article L331-5 al. 3 CPI précise qu’« un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constituent pas en tant que tels une mesure technique. »
63. Ceci autant pour les auteurs que pour les titulaires de droits voisins. On ne sait pas précisément quelle serait la sanction d’une telle inexécution, ni même si son effet se révélait être rétroactif.
64. Constituée par le décret n°2007-510 du 4 avril 2007, et remplacée par l’HADOPI par le décret n°2009-1773 du 31 décembre 2009.
65. Les peines sont applicables aux personnes morales et sont doublées en cas de récidives.
66. Sur ce sujet, voir notamment la décision du Conseil d’État concernant la requête en annulation de l’April : http://www.april.org/articles/communiques/pr-20080730.html
67. « Dans les limites des droits prévus par le présent code »… lequel n’est pas très prolixe sur le sujet. Voir les articles L335-3-1, L335-3-2, L335-4-1 et L335-4-2 CPI.
68. Art. L331-5 al. 6 : « ne peuvent s’opposer au libre usage de l’œuvre ou de l’objet protégés dans les limites des droits prévus par le (…) code » vise à « permettre aux consommateurs de pouvoir lire les œuvres achetées sur l’ensemble des formats et appareils ordinairement utilisés à cet effet ». Par analogie, on retrouve la transposition parallèle de la directive en droit belge : « Les mesures techniques […] ne peuvent empêcher les acquéreurs légitimes des œuvres et prestations protégées d’utiliser ces œuvres et prestations conformément à leur destination normale » (Art. 79 bis, par. 4).
69. Réaffirmé dans le Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi (N° 1206) relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information par M. Christian Vanneste : « Quoi qu’il en soit, l’équilibre de la directive européenne, et du projet de loi qui la transpose, tient en grande partie au fait que la protection accordée aux mesures de contrôle des œuvres sous forme numérique ne doit pas s’opérer au détriment de l’usage habituel et des exceptions aux droits en vigueur, dès lors qu’elles ne sont pas illégitimes » (p. 44).
70. Directive 96/9/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mars 1996, concernant la protection juridique des bases de données (JO L77, p. 20) ; transposée en France par la loi du 1er juillet 1998.
71. Art. L341.1 CPI : « [l]e producteur d’une base de données, entendu comme la personne qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, bénéficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la vérification ou la présentation de celui-ci atteste d’un investissement financier, matériel ou humain substantiel. »
72. Voir notamment TC Rennes, 16 juin 2005.
73. Voir l’arrêt CJCE C-203/02 British Horseracing Board (BHB) c/ William Hill Organisation, C-444/02 Fixtures Marketing c/ Organismos prognostikon agonon podosfairou (OPAP), C-46/02 et C-338/02 du 9 novembre 2004. Voir aussi Civ. Ier, 5 mars 2009, Société Ouest France Multimédia c/ Société Precom, Société Direct annonces : n°07-19734 et 07-19735
74. Art. L342-1 et L342-2 CPI.
75. « La notion de partie substantielle, évaluée de façon quantitative, du contenu d’une base de données protégée se réfère au volume d’éléments extraits et/ou réutilisés de cette base de données et doit être appréciée par rapport au volume du contenu total de cette dernière », CJCE, 9 nov. 2004 The British Horceracing Board Ltd e.a. / William Hill Organization Ltd.
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LAL 1.3, GNU FDL 1.3 et CC By-SA 3.0

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